Le début d’un parcours : les consommateurs canadiens vers la neutralité carbone
La durabilité devient une valeur de plus en plus importante pour les consommateurs. Elle les incite à réévaluer leurs comportements d’achat et leur loyauté envers les marques.
Pour comprendre comment les Canadiens perçoivent leur parcours vers la neutralité carbone, nous avons exploré plusieurs questions, notamment les suivantes :
- Comment les consommateurs canadiens tiennent-ils compte de la durabilité dans leurs décisions d’achat?
- Quel rôle la marque et l’offre de produits jouent-elles dans le comportement des consommateurs en ce qui a trait à la durabilité?
Grâce à une combinaison d’écoute sociale (collecte et analyse de données regroupées tirées d'échanges dans des médias sociaux) et de recherche fondée sur la conception centrée sur l’humain pour obtenir des données brutes (tenue de conversations individuelles et approfondies avec des citoyens), notre analyse a permis de dégager quatre états d’esprit clés basés sur la capacité des consommateurs à faire des choix durables et leur motivation à le faire.
Dans un monde idéal, tous les consommateurs auraient un état d’esprit « actif pour le climat » : ils considéreraient la durabilité comme à la fois importante et facile à mettre en application. Nos recherches montrent toutefois que la majorité des personnes se classent dans la catégorie « peu habilité » : elles croient que la durabilité est importante, mais qu’il est difficile d’agir à cet égard. Encourager un plus grand nombre de consommateurs à devenir actifs pour le climat dépend d’une capacité importante : celle de faire des choix. Notre recherche montre que les clients sont fortement motivés. Ils ont cependant besoin de soutien et de possibilités, ce qui donne l’occasion aux entreprises d’innover vers des solutions durables qui aident leurs clients à atteindre leurs objectifs.
Ces dernières années, le discours dominant concernant les changements climatiques est passé de l’acceptation des principes scientifiques sous-jacents et de l’urgence du problème à l’évaluation sérieuse et pratique de solutions.
Le contexte
La plupart des gouvernements les plus importants et de grandes organisations mondiales ont fixé des cibles pour parvenir à l’élimination complète des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici les 30 prochaines années afin d’atténuer les changements climatiques et de limiter le réchauffement global à 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Deloitte a également joint ce mouvement dans le cadre de sa stratégie ClimatMondial, par laquelle l’organisation s’engage à rendre ses activités carboneutres bien avant, soit d’ici 2030.
Les consommateurs commencent à considérer la durabilité comme normale et à l’intégrer dans leurs valeurs. La durabilité devient donc une composante essentielle de nombreuses marques modernes. À mesure qu’elle devient la norme, les climatosceptiques se marginalisent, et leurs objections commencent à viser moins la science et davantage la faisabilité des solutions.
Cerner le problème
Dans notre étude, nous avons découvert que les discussions relatives aux changements climatiques et aux émissions de GES ont souvent digressé vers des préoccupations plus vastes sur la durabilité, indiquant que le point de vue des consommateurs à propos du parcours vers la carboneutralité est nuancé et grandement influencé par une foule d’enjeux connexes.
Voici quelques-unes des questions générales que nous avons abordées dans notre analyse et nos échanges dans les médias sociaux :
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Comment les consommateurs canadiens tiennent-ils compte de la durabilité quand vient le temps d’acheter un produit ou un service?
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Qu’est-ce qui favorise la demande pour les options plus durables?
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Quels sont les obstacles qui empêchent les consommateurs de faire des choix plus durables?
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Comment les consommateurs communiquent-ils leurs valeurs et leurs préférences de durabilité à leurs semblables et aux entreprises?
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La valeur perçue de la durabilité des produits et des services a-t-elle une influence sur le comportement d’achat des consommateurs?
Notre démarche et notre motivation à l’égard de la recherche
Basée sur les leçons tirées du rapport de 2019 The Human Cost of Climate Change* (Le coût humain des changements climatiques) produit par Market Gravity, cette initiative de recherche met à profit une combinaison nouvelle de méthodes fondées sur l’écoute sociale et la conception centrée sur l’humain pour étudier le point de vue des consommateurs quant à l’atteinte de la carboneutralité.
Nous avons recueilli des données à l’échelle du Canada de deux sources distinctes. Nous avons comparé les leçons tirées de ces sources et les avons intégrées pour formuler nos perspectives clés.

Recherche fondée sur la conception centrée sur l’humain
Conversations individuelles approfondies avec des Canadiens de diverses situations socioéconomiques pour comprendre pourquoi et comment ils prennent leurs décisions importantes.
- La conception centrée sur l’humain nous aide à comprendre ce que les consommateurs pensent et ressentent et ce dont ils ont besoin.
- Nous avons utilisé des cadres comportementaux pour cibler les principaux obstacles psychologiques, états d’esprit et éléments incitatifs affectant directement la prise de décisions.

Les états d’esprit que nous avons découverts
Notre étude sur l’attitude des consommateurs à l’égard des changements climatiques et de la durabilité nous a permis de définir quatre états d’esprit basés sur la capacité des consommateurs à faire des choix durables et leur motivation à le faire, que nous avons organisés en quadrants.
Les quatre mentalités sont superposées au modèle de comportement de Fogg. De nombreux Canadiens se trouvent bloqués dans l’inaction en raison d’un sentiment d’impuissance sous-jacent, attendant de franchir la ligne d’action avec dynamisme à l’égard du climat, dès que plus d’options de durabilité leur seront offertes.
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Peu habilité
Le consommateur peu habilité considère que la durabilité est importante, mais qu’il est difficile d’agir à cet égard. Ce type de consommateur éprouve de l’anxiété, de l’impatience et de l’insatisfaction par rapport aux choix offerts au grand public, il est désillusionné par l’action lente des grandes entreprises et frustré par l’inaction ou les choix non durables de certains de ses semblables, surtout par les consommateurs peu motivés.
Le consommateur peu habilité ne dispose pas de toutes les capacités requises pour prendre des décisions écoresponsables, car il rencontre des barrières sur les plans des finances, de l’attention et de l’accès à l’information. Il croit toutefois pouvoir déterminer les choix durables qui sont réalisables, surtout si on lui indique la manière et le moment de le faire. Cet état d’esprit est éprouvant sur le plan cognitif, et démotivant.
Je crois que je ne me suis jamais engagé à faire un achat durable dès le départ. Je pense que ça fait partie de mes préoccupations, et que si on nous offre une option durable, on devrait la choisir.
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Actif pour le climat
Dans le cas du consommateur actif pour le climat, la durabilité est à la fois importante et facile à mettre en application. Ce consommateur est un participant conscient et pleinement engagé qui assume ses choix et possède une compréhension nuancée des nombreux niveaux de la durabilité. Il est plus susceptible d’envisager la durabilité dès le début de son parcours d’achat et d’étudier les exigences de durabilité et les mécanismes de compensation. Ce groupe de consommateurs répond à un positionnement et à un message constants et sincères.
Ce consommateur éprouve de l’empathie pour le consommateur peu habilité, et est porté à l’aider en l’informant, en lui présentant des options durables et en l’aidant à y accéder.
J’ai commencé à penser au-delà du recyclage, en réfléchissant aux décisions que je peux prendre dans les étapes précédentes, en amont du recyclage.
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Peu engagé
Pour le consommateur peu engagé, les décisions de durabilité sont à la fois difficiles à mettre en application et non prioritaires. Le consommateur peu engagé est pris dans un cercle vicieux : la difficulté d’accomplir des gestes concrets ne le préoccupe pas vraiment, car cela n’est pas une priorité, et il est peu probable que cela devienne une priorité, car cela lui semble irréalisable. Comme les changements climatiques ne sont pas importants pour lui, il ne recherche pas les options durables.
L’éducation serait la façon la plus simple de le faire passer à l’état d’esprit de consommateur peu habilité (même indirectement, par exemple au contact d’un proche bien informé par l’école ou l’université).
C’est difficile à croire, on ne voit pas vraiment de changement… La température est la même, ici, à Winnipeg. Je sais qu’il y a des endroits qui ont eu plus de tempêtes et toutes sortes de choses, mais on n’a encore rien eu de tel, par ici.
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Peu motivé
Pour le consommateur peu motivé, les décisions de durabilité sont faciles à mettre en application, mais ne sont pas considérées comme une grande priorité. Ce consommateur se caractérise par l’apathie et une tendance à faire diversion et à douter. Il est plus susceptible de rationaliser son inaction en exprimant du scepticisme par rapport aux discours scientifiques sur les changements climatiques, et en remettant en question l’importance des choix individuels et la faisabilité des options durables. Ces justifications rendent ce consommateur plus difficile à éduquer sur les options durables et les différents choix.
Je ne vois pas vraiment de signaux [que c’est un moment décisif], ou s’il y en a, je ne m’en préoccupe pas tellement.
Thèmes émergeant de notre recherche
Quatre thèmes sont ressortis, constituant les éléments qui définissent la volonté des consommateurs à entreprendre un parcours vers la carboneutralité.
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Impressions Les images et les sensations frappantes et concrètes laissent de fortes impressions et ont un effet démesuré sur la façon dont les consommateurs se sentent concernés par la durabilité.
Les histoires vraies et les témoignages directs sur les répercussions de la durabilité restent souvent gravés dans l’esprit des consommateurs. Ces images viscérales jouent un rôle fondamental dans la formation des convictions et créent la perception de l’urgence d’agir. Elles rendent humaines et concrètes des notions de durabilité qui sont essentiellement abstraites.
Qu’il s’agisse d’une image de forêt qui brûle ou d’un article traitant d’une île formée de déchets de plastique, les impressions générées ont un lien direct avec le comportement et peuvent devenir un cri de ralliement pour agir.
Je me souviens lorsque j’ai vu ce mur de bouteilles de plastique de 10 pieds le long de la côte, cette petite île du Nicaragua submergée par les déchets – ça m’a vraiment ouvert les yeux, et ce fut un moment décisif dans ma conscientisation.
Voir les répercussions sur les fermes de mes parents au Nigéria me motive à faire de la durabilité une priorité.
En Inde, je devais brûler mes déchets. Ça fait réfléchir. Lorsque tu dois brûler ton plastique, c’est facile de comprendre les dommages que tu causes. Ici, on n’y pense pas, parce qu’on envoie le plastique ailleurs.
Mais quand tu sens les déchets que tu brûles, tu prends conscience des répercussions de la consommation.
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Signaux Les principaux signaux et éléments incitatifs pouvant déclencher la prise de décision façonnent la manière dont les consommateurs appliquent leurs valeurs liées à la durabilité dans leurs choix individuels.
Les consommateurs savent très bien détecter les motivations des entreprises et reconnaître les signaux indiquant lesquelles possèdent les mêmes valeurs qu’eux. Les entreprises qui pratiquent le blanchiment écologique peuvent piquer l’intérêt des consommateurs au début, mais finissent par les perdre.
À mesure que la société évolue, la signification des signaux change. Les entreprises qui comprennent ces motivations extrinsèques (comme l’image de marque, l’emballage et les communications de marketing) peuvent envoyer des signaux qui interpellent les consommateurs au lieu de les faire fuir.
Lorsque je réserve un vol, c’est seulement après avoir franchi toutes les étapes qu’on me demande si j’accepte de payer un supplément pour compenser mes émissions. Selon ce que j’en sais, ça ne fait aucune différence. Rien ne nous prouve que cet argent sert vraiment à compenser l’empreinte des vols.
Alors, je ne paie jamais pour ça.
Cette étiquette est un très bon indicateur. Les fabricants doivent respecter certaines normes environnementales pour pouvoir utiliser cette étiquette, ils ne l’obtiennent pas automatiquement. Même s’il y a beaucoup d’entreprises qui l’affichent, elles ne fabriquent pas toutes leurs fenêtres de la même façon, alors je vérifie aussi lesquelles fabriquent les produits avec la plus grande efficacité énergétique.
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Disponibilité Les gens veulent avoir des options durables correspondant à leurs valeurs, mais ils ont rarement accès à ce genre de choix.
Même si les consommateurs recherchent des options durables, il est encore trop facile de faire les mauvais choix. La vaste majorité des produits de consommation sont conçus selon le modèle « extraire, fabriquer, jeter », auxquels les consommateurs sont habitués.
Même les personnes qui sont prêtes à faire des sacrifices et qui ont les moyens de le faire n’ont souvent pas accès à de telles options. Les consommateurs des quatre états d’esprit définis exigent une plus grande tranparence des entreprises pour faire des choix de manière plus éclairée.
Avec Amazon, il est très facile de faire de mauvais choix.
La plupart du temps, je ne me sens pas coupable de ne pas choisir une option durable. Je fais mes choix parmi ce qui est disponible et selon ce que mon budget me permet.
Il y a très peu de bonnes options.
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Confiance Lorsque les consommateurs fondent leurs décisions sur leurs valeurs, et non uniquement sur les aspects financiers, ils établissent des liens de confiance et de fidélité solides.
Bien que la commodité soit toujours un facteur de prise de décisions, la vraie fidélité repose sur la confiance.
Les consommateurs sont prêts à faire des compromis, comme payer plus pour un produit ou un service, si ce dernier est conforme à leurs valeurs fondamentales, incluant la durabilité. Peu importe leur état d’esprit, et même chez les consommateurs peu motivés, les gens se sentent mieux lorsqu’ils font des choix écologiques. Les entreprises qui favorisent des relations fondées sur ces valeurs finissent par tisser des liens plus solides avec les consommateurs.
Je me sentirais plus connecté à cette marque si je voyais que l’entreprise fait quelque chose pour la planète, globalement – et pas seulement dans ce marché-ci sans se soucier de son incidence ailleurs dans le monde.
Les entreprises doivent prendre position et agir en conséquence.
Une marque m’interpelle habituellement lorsque j’en apprends plus sur l’engagement de l’entreprise et ses valeurs profondes. Par exemple, je suis attaché à la marque Ocean Wise parce que je l’associe à l’expérience qu’elle offre aux enfants à l’aquarium de Vancouver.
Comment pouvons-nous favoriser et accélérer le parcours vers la neutralité carbone au Canada?
Nous avons cherché à comprendre comment les consommateurs canadiens voient l’incidence de leurs décisions d’achat sur les changements climatiques. Les états d’esprit actuels et les thèmes dégagés dans notre recherche suggèrent qu'il existe det nombreuses occasions de susciter un engagement véritable envers la durabilité et de créer des scénarios gagnants à la fois pour les consommateurs, les entreprises et les communautés.



Qui joindre
Concentrez-vous d’abord sur les consommateurs peu habilités. Ce sont des agents de changements prêts à faire leur part. Au lieu d’essayer de motiver les gens à faire des choix plus durables, misez sur les personnes qui sont déjà convaincues en leur donnant accès à plus d’options.
Avec le temps, il y aura de plus en plus de consommateurs anxieux et insatisfaits devant la lenteur des entreprises à prendre un virage vert. Malgré l’accélération de l’urgence climatique, l’inertie du secteur privé fait en sorte que les consommateurs n’ont pas plus de facilité qu’avant à faire des choix durables. Pour la majorité des Canadiens, le parcours vers la carboneutralité passe par la facilité de pouvoir choisir.
Par où commencer
Des engagements concrets, éclairés et axés sur les valeurs peuvent permettre aux marques de se positionner comme des partenaires fiables et gagner la confiance des consommateurs dès le départ.
En comprenant les principaux signaux et les impressions qui touchent les consommateurs actifs pour le climat et peu habilités, les marques peuvent créer des mesures incitatives pertinentes qui interpelleront ces personnes.
Comment progresser
Transformez vos produits, vos services et vos politiques pour qu’ils reflètent l’évolution des valeurs axées sur la durabilité des consommateurs. Cela établira un solide sentiment de confiance et de loyauté au fil du temps.
Afin de favoriser une relation plus riche avec les consommateurs et devenir un partenaire dans leur parcours vers la carboneutralité, vous devez activement surveiller le pouls des consommateurs pour détecter les changements qui continuent de s’opérer dans les sentiments et les mentalités. En établissant un portefeuille équilibré et en veillant à vous adapter continuellement, vous favoriserez la fidélité des consommateurs à long terme.
À l’heure actuelle, les stratégies d’achat sont conçues de manière à ce que les consommateurs passent à la caisse sans prendre le temps de réfléchir aux conséquences de leurs achats. Les entreprises gagneraient plutôt à utiliser les signaux clés pour perturber ce processus et transformer chaque achat en une occasion de gagner la confiance de leurs clients en démontrant leur engagement envers la durabilité.
En se fondant sur ce que nous avons appris sur les impressions, les entreprises peuvent concevoir des engagements concrets et accessibles pour atténuer l’anxiété à l’égard de l’urgence climatique en offrant aux clients des occasions claires d’agir en faisant les bons choix.
Vos clients sont fortement motivés à bien agir.
Si vous les aidez à agir conformément à leurs valeurs en leur offrant des options durables et en les orientant vers de telles options, vous ferez en sorte qu’ils sont satisfaits de leurs décisions et qu’ils vous choisissent.
Collecte et analyse de données regroupées tirées d’échanges dans des médias sociaux, des groupes de discussion, des blogues et d’autres sources ouvertes de mai 2020 à mai 2021 visant à comprendre quelle information est propagée et de quelle manière.